Les articles de Bibliowell: le bien-être
et les sens de
la vie!
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Le bien-être n'est pas un concept aussi anodin et superficiel qu'il y
apparaît... surtout lorsqu'on se dirige dans le sens de la vie! Là, le
bien-être gagne en substance et devient synonyme de sérénité et de richesse
émotionnelle. Le sens de l'utilité, le sens de la générosité et le sens de
l'amour sont trois sens pleins de bon sens!
ARTICLES & REFLEXIONS...
Les sens de la vie
Le bien-être est parfois perçu comme une jouissance superficielle. C’est se
tromper de bien-être ou, plus exactement, ne pas saisir toute la portée du
bien-être. Car le bien-être ne saurait se limiter aux seules dimensions du
plaisir ou de la satisfaction : apprécier ou se réjouir individuellement
d’une circonstance agréable. Certes, autant vivre le plus agréablement
possible mais il conviendrait de rester prudent car ce type de bien-être
plaisir sera trop volatile pour justifier un quelconque attachement : il
s’envolera en même temps que la circonstance.
Si les anciens nous prescrivent de suivre la vie la meilleure, et non la
plus agréable, c’est afin que le plaisir soit le compagnon, non le guide,
d’une volonté saine et droite. Car c’est la nature qui doit être notre
guide.
Sénèque
La vie pourrait être constituée de milliers de petits bien-être fugaces : je
rentre chez moi et je me sens bien, je bois un verre d’eau fraîche et je me
sens bien, je m’assois et je me sens bien,… J’expliquais dans mon livre Les
clés du bien-être (Editions Jouvence) comment multiplier ces pointillés.
Nous allons voir maintenant, non pas comment en faire une ligne droite
puisque le bien-être ne saurait être constant sans finir prisonnier et
s’affadir, mais comment lui rajouter du poids ou une troisième dimension
afin de lui donner un peu plus de constance et de stabilité…
Le bien-être requiert du poids, du caractère et une dynamique : il s’ennuie
de la futilité, de la routine et de la vulgarité. Le bien-être est dans la
tête mais aussi dans l’action : il se compose et s’enrichit des éléments
rencontrés sur le chemin. C’est au contact de la misère, de la maladie et de
la mort que le Prince Siddharta Gautama choisit la voie du Bouddha ! Je sors
donc joyeux et optimiste, à la rencontre de la vie et de ses naturelles
imperfections…
Sortir, mais pour aller où ? Chacun est évidemment libre de sa vie et de ses
choix et ce ne sont pas les intersections qui manquent... Dans une optique
de bien-être solide, je crois toutefois pouvoir affirmer (et je ne suis pas
le seul) que le bien-être apprécie les chemins qui montent vers les autres.
Pourquoi choisir la montée plutôt que la descente ? Après tout, ne
considérons-nous pas souvent que les malheureux se trouvent dans une
situation inférieure à la nôtre et qu’il convient de se baisser pour les
aider, comme nous nous baissons pour donner la piécette ? Mais je n’aime pas
me courber (mon dos !) et je ne crois pas que devenir plus petit ou
malheureux rende service sur le long terme. Un professeur qui adapterait son
enseignement au plus mauvais élève (ou un système qui, par démagogie,
promettrait des études supérieures à tous) pénaliserait toute la classe, y
compris l’élève en difficulté qui n’aurait plus alors devant lui de vision
du progrès et nécessaire effort à accomplir. Niveler par le bas n’a jamais
rien créé sinon de la bassesse !
Pourquoi pas alors « descendre vers les autres afin de leur faire la courte
échelle » ? C’est effectivement le cas de toutes les personnes qui
travaillent au contact des pauvres. Mère Teresa en était la figure
emblématique. Il s’agit là d’un comportement admirable : sacrifier son
confort pour aider les autres à acquérir plus de confort... Mourir sur la
croix pour sauver l’humanité… Se dévouer dans les tâches ingrates pour
éviter aux autres d’avoir à les faire… Le masochisme serait-il le lot commun
des Saints et des Martyrs ? Non car tout ce qui est tourné vers l’autre
revient vers soi en proportion. Plus je fais le bien et plus je me sens bien
!
Quant à moi, l’action humanitaire n’a-t-elle pas été le lieu où, pour une
part, s’est exercée ma soif de pouvoir ? L’action humanitaire offre en effet
un terrain privilégié, et extrêmement valorisant pour investir cet instinct
primaire qui jamais ne pourra être arraché du cœur des hommes. L’objectif du
service des autres m’a permis de brasser des millions, de rencontrer les
plus grands de ce monde, de parcourir la planète […]. Heureusement,
l’appartenance à une communauté m’a toujours tempérée. De retour auprès de
mes sœurs, je redevenais une parmi d’autres. Souvent, je me rends au petit
cimetière de Callian. Je visite les tombes de mes sœurs. J’y vois ma place
préparée, et me voici aussitôt ramenée à l’égalité essentielle entre
humains.[…] Quand j’arriverai devant le Seigneur, le Juste, il ne se
demandera pas quelle place j’ai occupée dans les sondages.
Sœur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert, Flammarion
Gardons donc à l’esprit la règle naturelle suivante : même s’il convient de
garder les pieds sur terre, nous nous élevons généralement en aidant les
autres. L’idée du chemin qui monte prend alors du sens… d’autant qu’il
convient aussi de s’élever à la hauteur des problèmes et des sentiments des
malheureux. Ce n’est pas rien que d’être en peine !
« Nul ne s’est jamais perdu dans le droit chemin » déclarait Goethe. Plutôt
que de pente, pourquoi ne pas en effet parler de rectitude ? Simplement
parce que rares sont ceux qui disposent d’une règle pour tracer une ligne et
que les détours et les tournants seront nécessairement légions. La droite
n’est pas une figure géométrique de la nature, qui lui préfère la courbe des
vagues et la flexibilité du roseau. La droite serait plutôt emblématique de
la civilisation et des artifices humains : les bâtiments, les poteaux, les
autoroutes ou les canons des fusils…
Mais qu’importe finalement la forme ou la figure ! Plutôt que de direction
ou de chemin, ne vaudrait-il pas mieux parler de sens : dans quel sens notre
vie tourne-t-elle ? Cela serait en effet plus adapté à la règle naturelle de
la nature ou du karma : « Lorsque nous cherchons à être meilleur que nous ne
le sommes, tout devient meilleur aussi autour de nous […] La terre sur
laquelle nous vivons sera meilleure ou sera pire selon que nous serons
meilleurs ou pires » écrit Paulo Coelho dans l'Alchimiste.
Que cela nous plaise ou non, la notion de bien figure belle et bien dans le
bien-être : se sentir bien, c’est aussi se sentir bon ! C’est une simple
question de logique, d’amour propre et d’hygiène. D'où trois sens plein de
bon sens pour renforcer et faire durer le bien-être: le sens de l’utilité,
le sens de la générosité et le sens de l’amour…
Le sens de l'utilité
Que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non, nous
sommes tous utiles à quelqu’un ou à quelque chose ! Même si je suis chômeur,
j’ai la satisfaction minimale de donner du travail à une pléthore de
fonctionnaires qui vont s’occuper de mon dossier. Qu’est-ce qu’un chômeur de
toute façon sinon, comme le rappelait une association suisse, « un
travailleur qui recherche un nouveau poste » ?
La figure du Mendiant est également intéressante. Voilà bien là en apparence
quelqu’un d’absolument inutile ! A quoi sert-il ce mendiant, assis par terre
à ne rien faire ? Et s’il servait à propager la générosité ? Et s’il servait
à relativiser la valeur de notre société moderne ? Et s’il servait à nous
faire prendre conscience de l’altérité ? En vérité, le Mendiant est fort
utile et la mendicité est, de fait, le plus vieux métier du monde !
Si l’inutilité est donc un leurre pour qui regarde du bon côté, nous sommes
encore fort éloigné du bien-être. Car le sentiment d’utilité devra aussi
être orienté vers soi. De ce point de vue, rares sont les mendiants vraiment
heureux. De même, la barrière sera parfois assez ténue entre service et
servitude : « Je lui rends service mais ne suis-je pas plutôt à son service
? ».
Comment alors caractériser cette utilité génératrice de bien-être ? Est
vraiment utile, je crois, celui qui, d’une manière ou d’une autre, vient en
aide à une personnes (elle-même ou quelqu’un d’autre), rend ou se rend
service, répond à un besoin, amène la joie dans un cœur ou un sourire sur un
visage, répare, améliore ou invente quelque chose synonyme de progrès pour
la société humaine et qui fait tout ou partie de cela de manière régulière,
consciemment et dans un esprit de liberté. Bref, le sentiment d’utilité sera
favorisé si j’ai conscience, dans mon quotidien, de faire davantage de bien
que de mal.
De nombreuses professions orientées vers les autres viennent ainsi à
l'esprit: les pompiers, le corps médical, les enseignants, la police, la
justice, l’humanitaire,… En réalité, la plupart des métiers offrent une
ouverture et un service aux autres, notamment parce que notre spécialisation
et la complexité de la société moderne nous rendent entièrement dépendant du
travail des autres. Si je peux me rendre au travail le matin, c’est parce
que des ingénieurs, des techniciens et des manœuvres ont tracé des routes,
remplacé les ampoules défectueuses des feux de croisement, régulé le trafic
et le parking ; si je pars l’estomac plein, c’est parce que des agriculteurs
ont semé le blé, que des boulangers l’ont pétri, etc. Nous sommes tous
interdépendants et nous nous aidons tous les uns les autres. Le problème est
que nous en avons rarement conscience.
Il est possible de s’épanouir dans tout travail. Mais encore faut-il le
souhaiter et ne pas considérer son travail comme une obligation ou une
punition. Nous connaissons tous des salariés qui en font ainsi le moins
possible : surtout ne pas faire de vague, ne pas embarrasser ses collègues
en étant trop performant, ne pas se fatiguer, ne pas rendre service au
public au delà de l’indispensable… D’un métier ouvert aux autres et
épanouissant, ils en ont fait une contrainte égoïste et abrutissante ; d’une
source potentielle de joie, ils en ont fait un gouffre de ressentiments.
Tout travail est vide, s’il n’y a pas amour ;
[…] Et si vous ne pouvez travailler avec amour mais seulement avec dégoût,
il vaut mieux quitter votre travail et vous asseoir à la porte du temple et
accepter l’aumône de ceux qui travaillent avec joie.
Car si vous cuisez le pain avec indifférence, vous cuisez un pain plus amer
qui ne satisfait qu’à moitié la faim de l’homme.
Khalil Gibran, Le Prophète
Les conditions de travail et les avantages du travail sont sans aucun doute
des facteurs importants de bien-être mais ils ne sauraient jamais prévaloir
sur le sens du travail. « Choisissez un travail que vous aimez : vous
n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie » disait Confucius.
Le sens de la générosité
La générosité peut-elle avoir un sens ou une utilité ? Quelqu’un de généreux
n’est-il pas par essence quelqu’un de désintéressé ? La générosité est-elle
encore généreuse lorsque je donne par intérêt ?
Dans la logique utilitariste de notre société, aider l’autre pour l’avantage
de l’autre ou de l’humanité ne semble plus suffisant pour justifier la
générosité : nous devons aussi en retirer quelque chose ! L’Etat et les
associations caritatives ont donc recours à toute une série de subterfuges
pour nous inciter à donner... au point de ne plus du tout parler de la même
chose!
Quel pourrait être le vrai sens de la générosité ? André Comte Sponville
dans son Petit traité des grandes vertus: « on ne peut donner que ce qu’on
possède, et à condition seulement de n’en être pas possédé. La générosité
est en cela indissociable d’une forme de liberté ou de maîtrise de soi […]
Etre généreux, c’est être capable de vouloir, explique Descartes, et donc de
donner, en effet, quand d’autres ne savent que désirer, que demander, que
prendre […] La générosité nous invite, faute d’amour, à donner à ceux-là
même que nous n’aimons pas, et d’autant plus qu’ils en ont davantage besoin
ou que nous sommes mieux placés pour les aider […] La générosité nous élève
vers les autres […] et vers nous-mêmes en tant que libérés de notre petit
moi »
Deux règles peuvent découler de cette généreuse tirade:
1. La générosité, synonyme de liberté, devrait être libre de toute
manipulation. Elle devrait être la manifestation d’une action plutôt que
d’une réaction.
2. La générosité devrait être gratuite c'est-à-dire tournée non pas vers son
propre intérêt mais vers celui des plus nécessiteux, suivre une règle
utilitariste extérieure plutôt qu’intérieure. La générosité est le contraire
de l’égoïsme, du culte de l’ego.
– Bon et bien merci pour cette conversation. Combien vous dois-je ?
– Rien du tout : la parole est gratuite. C’est l’acte de générosité qui est
payant.
– Il faut bien que je vous donne quelque chose ?
– Seulement si ce mouvement vient de ton cœur. Si tu donnes par obligation
ou manipulation, tu ne te sentiras pas aussi bien. C’est pour cela que je ne
vais pas quémander : mon non-action garantit une générosité de qualité.
C’est lorsque les passants baissent les yeux, me voient et viennent vers moi
sans contraintes qu’ils s’humanisent. Toute la journée, ils vont penser à
leur geste et ils se sentiront bons. Les jeunes dans la profession ont perdu
le goût du travail bien fait : ils ne supportent pas d’attendre. Ils vont à
la rencontre des passants, les agressent et les manipulent pour leur
soutirer quelques pièces. Dans ce cas, tout le monde est perdant. Le jeune
qui entend : « Non, désolé » à longueur de journée, le passant qui ment pour
refuser de donner et même celui qui donne car il a alors le sentiment
d’avoir réagi et non pas agi. Regarde le porche là-bas, avec le chien :
c’est là que je travaille. Comme tu le vois, je n’ai pas de pancarte devant
moi : je ne fais croire à personne que j’ai faim ou que je suis sans abri.
On vient vers moi librement et on me quitte le cœur léger. Garde donc ton
argent. Tu n’es pas encore prêt à donner…
Le Mendiant et le Milliardaire,
Benoît Saint Girons, Editions Jouvence
Le sens de l'amour
Que n’a-t-on écrit sur l’amour ! Poètes et saltimbanques n’ont cessé de lui
rendre hommage, tandis que les religions l’introduisaient au cœur (forcément
au cœur !) de leur métaphysique et que les hippies le libéraient. Mais
l’amour a aussi mis Jésus sur la croix, envoyé Juliette rejoindre son Roméo
dans la mort et propagé le sida…
Cogiter sur l’amour (« j’aime donc je suis » ?), c’est d’abord y associer un
individu. Rencontrer celui ou celle qui nous complètera, est plus ou moins
inconsciemment notre vœu le plus cher. Nous serons donc sensibles au
discours d’Aristophane, donné au cours du Banquet de Platon : la fameuse
théorie des androgynes. Jadis, nous étions ronds, doubles, complets, forts,
heureux et intelligents. Il y avait des mâles qui avaient deux sexes
d’homme, des femelles qui avaient deux sexes de femmes et les androgynes
proprement dits. C’est Zeus, pour nous punir de notre rébellion envers les
dieux (nous n’étions donc pas si heureux que cela ?), qui nous coupa en deux
dans le sens de la hauteur. Depuis, nous sommes à la recherche de notre
moitié…
Si nous étions logiques, nous rechercherions donc les personnes qui nous
sont diamétralement opposées du point de vue du caractère. « Nous nous
complétons » signifie que j’ai les qualités de ses défauts et les défauts de
ses qualités. Nous devrions ainsi nous réjouir de la différence de notre
moitié et l’accepter comme un gage d’harmonie. Nous en sommes pourtant
souvent bien loin…
Nous en sommes loin parce que, n’en déplaise aux poètes ou aux rêveurs, nous
ne formerons jamais une unité. Un plus un ne fera jamais un plus gros un. Un
couple sera toujours constitué de deux ego, de deux corps, de deux
histoires… Même lors des coïts simultanés, la fusion reste hors d’atteinte :
la jouissance de l’un sera toujours différente de celle de l’autre. Neuf
mois plus tard, un enfant naîtra peut être de cet union. Un plus un égal
désormais trois. Cet enfant sera la figure la plus proche du mythe : le
fruit du meilleur de l’un et de l’autre, saupoudrée d’une dose du pire.
L’enfant n’est ainsi pas tant ce qui nous ressemble que ce qui nous
rassemble le mieux et les plus beaux enfants sont souvent le fruit des plus
grandes différences. L’union entre consanguins sera, au contraire, un
facteur de dégénérescence. D’où le tabou de l’inceste.
Qui se ressemble s’assemble dit la maxime. Voilà qui est sans doute plus
conforme à la réalité des couples modernes : nous recherchons l’âme sœur et
il est moins question de se compléter que de se comprendre et de se
supporter, dans les deux sens du terme. Une vision, des valeurs et des
comportements similaires permettront d’avancer plus facilement côte contre
côte. Être sur la même longueur d’ondes en permanence est toutefois un autre
mythe de l’amour : « Tu n’es pas d’accord avec moi ? Tu changes de fréquence
? C’est donc que tu ne m’aimes plus ! » Qui se différencie s’éloigne
souvent…
La conception la plus vaine et la plus consumériste de l’amour reste
toutefois la recherche de l’âme princière, véhiculée par les contes de fées
et mise en scène par les médias. Les célibataires, seuls par définition, ont
généralement tout le temps d’affiner leurs fantasmes. Nous espérons ainsi,
non seulement faire une bonne affaire, mais faire la meilleure affaire
possible : « Je veux le meilleur pour moi, je mérite le meilleur ! J’y ai
droit ! » Autrui sera ainsi plus ou moins inconsciemment considéré comme un
faire valoir destiné à me faciliter la vie et à me mettre en valeur.
Soyons pour une fois objectifs : la rencontre, lorsqu’elle survient, est
nécessairement une déception par rapport à nos idéaux. Qui rêve d’un
conjoint naturellement plein de défauts ? Néanmoins, nous nous accrocherons
à notre vision idéale. Au début de la relation, tout est (presque) toujours
parfait : je veux tellement croire à l’amour des contes que je me focalise
exclusivement sur les qualités. Les défauts de l’autre ? Aucun souci, je les
changerai ! Ce n’est qu’une fois la relation consommée que le naturel
reprend le dessus : nous réalisons que ce conjoint idéal n’est pas si idéal
que cela… Comme le dit le sexologue Willy Pasini : « Après la foudre
viennent les coups ! »
Etre amoureux est un état tandis qu’aimer est une action. « Les passions et
les sentiments […] sont par définition instables, quand l’amour, lui, est un
invariant » souligne le prêtre et psychanalyste Tony Anatrella. L’état
amoureux est ainsi susceptible d’évoluer sur la durée, en fonction des actes
ou des circonstances. Je ne suis peut-être plus amoureux à l’instant mais je
pourrais très bien le redevenir demain, notamment si je décide d’aimer
correctement. Cette relation de cause à effet est bien rendue dans la
formule du poète chilien Pablo Neruda : « Je t’aime afin de commencer à
t’aimer »
Il conviendrait donc d’admettre, pour commencer, que l’amour de rêve n’est
pas et ne sera jamais le vrai amour. « Mieux vaut un peu d’amour vrai que
beaucoup d’amour rêvé. Mieux vaut un couple vrai qu’une passion rêvée. Mieux
vaut un peu de bonheur réel qu’une illusion heureuse » écrit André
Comte-Sponville. Adieu mythe, bonjour vérité ! Adieu poètes, bonjour
philosophes ! Analyser, avec ces derniers, la triptyque de l’amour aidera en
effet à dépasser ses préjugés :
L’amour Eros, c’est la réaction-passion, l’amour de l’amoureux, l’amour en
provenance de l’ego, l’amour du « je t’aaaaaime !!! », l’amour sensuel. Il
est resplendissant mais sa base est instable et son sommet dans les nuages.
Traditionnellement associé à un manque et donc à l’imaginaire, il génère
souvent rêves et fantasmes.
L’amour Philia, c’est l’action-réflexion, l’amour intellectuel, l’amour
amitié, l’amour envers les enfants, l’amour respectueux. C’est un amour plus
stable, plus profond, susceptible de s’épanouir au sein du couple lorsque
nous développons le bon état d’esprit.
L’amour Agapè, c’est l’atmosphère protectrice. Nous n’en avons pas toujours
conscience mais elle est là, nous entoure et nous protège. C’est l’amour
universel entre les hommes, l’amour du prochain, la compassion, l’amour
divin, l’amour charité. C’est un amour transcendant.
Il arrive que nous nous jetions sur un coup de tête dans l’Eros mais la
plupart des couples se constituent également sur une bonne part de Philia,
lorsque le soufflé de l’Eros est déjà un peu retombé. La tendance générale
est en effet pour l’Eros de s’atténuer : nous désirons surtout ce qui nous
manque et, dès que nous l’avons, le désir décroît. Il peut ressurgir par
période mais il sera difficile de retrouver les élans de la première fois.
L’amour Philia, au contraire, est un amour qui grandit et se renforce,
lorsque nous donnons à notre couple le temps de durer et de dépasser les
crises de l’apprentissage ou de l’apprivoisement à l’autre : j’apprends à
dépasser les pulsions de mon ego et à accepter l’autre tel qu’il est.
Qu’est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des
liens…"
- Créer des liens ?
- Bien sûr dit le renard […] si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de
l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au
monde (…) On ne connaît que les choses que l’on apprivoise […] Si tu veux un
ami, apprivoise-moi !
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince
Les couples les plus solides sont ceux qui ont réussi à équilibrer Eros avec
Philia, à l’image de la figure du Yin et du Yang. Philia sans Eros, manque
de chaleur. Eros sans Philia manque de profondeur.
Comment atteindre cette harmonie et ce bien-être dans le couple ? Quelques
pistes :
Reconnaître à l’amour sa liberté : il va et vient, diminue et augmente
d’intensité, s’égare puis retrouve son chemin… L’amour est libre et donc
intrinsèquement imparfait.
Réaliser que l’amour ne dépend pas que de l’autre mais aussi de soi-même :
je peux allumer la lumière ou tout éteindre ! Je peux l’attendre ou y
travailler…
Saisir que nous sommes les premiers responsables de la compréhension et de
l’assouvissement de nos besoins: autrui saura d’autant moins lire dans nos
pensées que nous avons nous-mêmes du mal à le faire…
Avoir confiance dans l’amour que l’autre nous porte et qui s’exprime chez
lui du mieux possible et à sa manière. Regarder ce qui va plutôt que ce qui
ne va pas.
Se débarrasser de notre conception infantile d’un amour conditionnel
c'est-à-dire lié à la réalisation de telle ou telle chose : « S’il fait
cela, c’est qu’il m’aime ! », « Il n’a pas fait cela : il ne m’aime donc
plus ! » Cessons donc de jouer au professeur en train de donner des notes !
Le conjoint n’a pas les mêmes règles du jeu en tête et l’amour, libre, n’a
pas de règles.
Se rappeler régulièrement notre amour originel, lorsque notre conjoint nous
est apparu pour la première fois : ne puis-je faire ressurgir un peu de
cette lumière dans les moments de doute ?
Assumer son choix et ses responsabilités afin de se libérer des
tiraillements malheureux : « Je suis avec lui et c’est comme ça ! Il s’agit
bien de l’homme ou de la femme de ma vie ! Ce qui est fait est fait ! A moi
de trouver les ressources pour aller de l’avant dans cette relation » Parler
de divorce à la moindre dispute, c’est éteindre complètement la lumière et
amoindrir les chances d’amélioration. Pourquoi faire des efforts s’il m’est
si facile de divorcer ?
Se rappeler que le conjoint parfait n’existe pas. Nous le pensions et
regardons où nous en sommes! Notre conjoint ne saurait être autant qu’il
devrait être car cela ne dépend pas de lui mais de notre vision idéale…
Apprenons plutôt à vivre avec la réalité.
Accepter que notre conjoint ne soit plus notre Amour pendant un temps mais
devienne un ami, un confident et/ou simplement le père ou la mère de nos
enfants… Un couple peut très bien puiser dans l’amour ou le devoir envers
ses enfants l’énergie nécessaire pour passer au travers des inévitables
tempêtes…
Changer de perspective : « Au lieu de chercher quelqu’un à aimer, il faut
s’efforcer d’être digne d’être aimé. Si l’on a quelqu’un dans sa vie, il
faut faire en sorte de mériter son amour, et non en exiger davantage. »
conseillent Elisabeth Kübler-Ross et David Kessler dans Leçons de vie
(Editions JC Lattès)
Se dire que la séparation mentale sera l’occasion, ultérieurement, de
retrouvailles, que la remontée succèdera naturellement à la descente. Nous
préférons tous l’amour à la haine et la réconciliation se présentera à ceux
qui se laissent le temps de se réconcilier et refusent d’être rancuniers.
Augmenter la valeur portée au couple. Considérer que le couple se nourrit de
la potentialité de deux individus et se renforce au contact des intempéries.
Le couple ne peut pas réalistement être considéré comme un refuge où nous
nous abandonnerions pour recevoir les attentions de l’autre. Il sera plutôt
un lieu de challenges et d’apprentissage des vertus: patience, tolérance,
ouverture d’esprit, écoute, confiance… Le couple offre la possibilité de
devenir meilleur, de transformer son amour égo-ïste en quelque chose de plus
grand et de plus universel, de générer la vie. Or le couple n’existe pas
sans l’autre et une synergie n’est possible qu’à partir de deux.
Ne plus parler de cons-joints « unis par la même obligations » mais de
co-joints, assemblés librement pour vivre de nouvelles aventures. Qu’est-ce
que le couple en effet sinon une coalition c'est-à-dire une réunion de
forces, d’intérêts et de personnes en vue d’exercer une action commune ? Et
pourquoi pas aussi une coagulation, un phénomène par lequel deux personnes,
à l’état liquide en solitaire, se mélangent et deviennent solides ou alors
une cohésion, une adhérence forte pour former un tout ? Le couple pourrait
aussi être coalescent (il ne forme qu’un, bien qu’étant constitué de pièces
distinctes) ou coassocié (quelle belle association à but non lucratif !),
coauteur (pour écrire à deux une œuvre de vie), coco (un co plus un co
créant une synergie), cogito (je pense donc je suis… en couple !),
coéquipier, coexistants, cohabitants,… Bref, ne soyez plus cons, soyez co !
Sœur Emmanuelle : « Dans la relation vraie, l’un reste l’un, l’autre reste
l’autre, mais l’un et l’autre se reconnaissent d’une même chair, d’un même
sang, d’une unique humanité, somptueuse et fragile. »
Faire l’amour et pas la guerre ?
Extraits du livre Les Sens de la vie,
Benoît Saint Girons, disponible sous fichier pdf
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